INTERIEURS
Work in Black
Ever since the 17th century painters have frequently depicted ruins. Perhaps to remind us of the vacuity of all things? A reminder that behind our invention of a nature subjected to our rule and available for all our whims and ambitions, is another nature, that combines with time to devour and decay our fine but frail constructions. Or else to peel the clothes and skin off the works of architecture, leaving but their skeleton, their structure?
Photography at its beginnings adopted this subject, for example in its documentary collections. Photographers may have believed that, whereas painters gave interpretations of reality, the camera recorded images without prejudice or subjectivity, playing its natural role of “just showing things as they are”. In the 1980ies modern photography turned its eye towards “non-places”, disaffected urban areas, landscapes destroyed by uniform repetition of mediocre or trashy architecture. This has something in common with the classic or romantic ruins, reflecting an implied nostalgia, plastically expressed through an assumed platitude, an apparent objective and passive neutrality.
Marie adds a slight but significant deformation, and proposes in the midst of decayed remains a dynamic impulse, a geometrical re-ordering according to a definite procedure. On passing through these desolate places, she will take pictures, go on, retrace her steps, on the same day, or on some other day, and then seek and select on the contact sheets two images that follow. Two images that will recreate an improbable place.
They may not depict the same place, or on the same day, but the little space, the small physical interval on the film between two pictures will rebuild a new space, recreate a new landscape. It does not divide the image, it unites for something new. This empty “non-image” area becomes an axis, a jointure for a fresh structure. Such an interval has its only existence in time, in the time lapsed between two shots.
Marie proposes a link between the remains of a place and what it is becoming. It is a difficult proposition, as the images are austere, refusing any seductive charm, in black and white, dark and sombre. Neither are they composed to please the eye, they are linear, compelling the eye to go from one to the other, trying to reconstruct a failing perspective. Marie’s eye becomes our own eye, it instils a movement, a pulse of life into the very heart of the photographic process.
And this work is a premonitory fragment of the work on videos in 2007 and 2008. Two photographs are the beginning of a sequence, a fragment of 24 images per second, a desire to use the past work to develop the next one. Uniting being and becoming, as in Pindar’s “become who you are”, and as in Marie’s photographs.
Patrick Renaud
Intérieurs
Travaux Noirs
Dès le XVII siècle, la peinture a traité la représentation des ruines. Peut-être pour nous rappeler la vacuité de toutes choses? De notre invention d’une nature maîtrisée et disponible pour nos ambitions, à l’autre face d’une “nature qui reprendrait ses droits”. Ou bien, tenter de débarrasser l’architecture de son décorum, pour ne peindre que son squelette, sa structure?
La photographie dès ses débuts a repris le sujet, dans ses collectes à prétexte documentaire. Peut-être se laissa-t-elle convaincre que si la main de l’artiste interprétait le réel, l’appareil photo, lui enregistrait les choses sans hiérarchie, ainsi son rôle naturel serait juste de “faire voir”. Vers les années 80, la photographie contemporaine s’est orientée vers les “non-lieux” zones urbaines délaissés, paysages détruits par la répétition et la médiocrité architecturales. Une certaine proximité avec la ruine. Nostalgie sous-entendue, qui trouve son expression plastique dans une platitude revendiquée, une esthétique du constat objectif, et passif.
Marie, va opérer un très léger “décadrage” qui a son importance, et proposer au milieu des vestiges une dynamique, une mise en ordre géométrique et ce dans un processus particulier. De son passage dans ces lieux désolés, elle va photographier, revenir sur ces pas, le même jour ou plus tard, puis chercher et sélectionner sur la planche contact deux images qui se suivent. Deux images possibles pour reconstituer un lieu improbable. Ce ne sera peut-être pas le même lieu, ni le même jour, mais le petit espace, l’intervalle physique sur le film entre deux photographies va reconstruire, permettre de créer un autre paysage. Il ne divise pas l’image, il rassemble pour autre chose. Cette zone de non image, de vide, va devenir l’axe, l’articulation d’une reconstruction. Cet intervalle ne pouvait exister que dans le temps, temps écoulé entre deux prises de vues.
Ainsi, Marie propose une liaison entre la dépouille d’un lieu et son devenir. La proposition est complexe, car l’image est sans artifice, sans désir de séduire, en noir et blanc, sombre. Elle ne se présente pas non plus dans un cadrage formel, une composition agréable à l’oeil, elle est linéaire, forçant notre regard à aller de l’une à l’autre essayant de recomposer une perspective qui défaille. Son regard devient le nôtre et insuffle un mouvement, une pulsation au coeur même du processus photographique.
Il y a dans les œuvres enfin présentées, le fragment précurseur des travaux vidéo. Deux photographies, c’est le début d’une séquence, une fraction de 24 images secondes, c’est aussi le désir de prendre appui, de renouer avec un travail réalisé afin de développer le suivant. Induire une action, comme dans ses photographies.
Patrick Renaud